Ariane, 28 ans, sourde profonde du 3ème groupe, est ingénieure de recherche dans le cadre d’un contrat   »Post-Doc » dans un laboratoire du CNRS. Pour Ariane, cette réussite masque cependant un parcours chaotique dont elle ne se cache pas.

Comment vos parents ont-ils réagi à l’annonce de votre surdité ?

Quand mes parents, qui sont entendants, ont découvert ma surdité, j’ai été tout de suite appareillée (avant 1 an). Ils ont essayé plusieurs méthodes, avant d’opter pour la Langue française Parlée Complétée, que je pratique parfois. Ma mère s’est mise à coder, mais pas mon père. Je lisais sur ses lèvres. Petite, j’ai été suivie par des orthophonistes, des audioprothésistes, des ORL… Et je continue à les consulter.

 Quelles sont vos premières années de scolarité ?

Toute ma scolarité s’est déroulée en milieu entendant, mes parents estimant que mon élocution était suffisamment claire pour que j’entre en école ordinaire. Une véritable intégration sauvage! Les enseignants, avertis de ma surdité, me plaçaient au premier rang, sans plus. A vrai dire, on leur a forcé un peu la main! Je ne pouvais pas tout faire comme les autres élèves, alors, pendant la dictée, je faisais des exercices adaptés. A la maison, ma mère me faisait refaire les cours. J’allais trois fois par semaine aux séances d’orthophonie. J’avais énormément d’activités de loisir : gymnastique, peinture, natation, danse…

 Comment se sont déroulées vos études ? Puis votre vie professionnelle ?

Après un bac C, j’ai suivi des études de physique à la faculté d’Orsay. Je me suis spécialisée dans l’étude de l’atmosphère avec une thèse d’université. Pour la soutenance orale de ma thèse, j’ai dû reprendre des séances d’orthophonie afin d’améliorer mon élocution et ma prononciation. Actuellement, je travaille dans un laboratoire du CNRS où mon travail consiste à analyser des mesures satellitaires, essentiellement par ordinateur : ce qui convient très bien avec mon handicap. Ma vie professionnelle implique une collaboration étroite avec d’autres chercheurs : en un mot, savoir parler anglais, pour présenter mon travail et pour communiquer avec mes collègues, et pour voyager lors des missions scientifiques (Italie, Suède, Etats-Unis). Apprendre la LPC en anglais s’est révélé utile pour améliorer ma lecture labiale.

 Qu’en est il advenu pour vous de la langue des signes ? et de la LPC ?

Il est vrai que la lecture labiale ne restitue pas tout ce qui est dit, c’est pourquoi je pratique la LPC avec mon frère et quelques amis sourds. Avec mes collègues, la lecture labiale reste l’unique moyen de communication. J’ai été initiée à quelques notions de la langue des signes par une amie de lycée, entendante mais j’ai arrêté depuis.

Quels obstacles rencontrez-vous ?

Je suis bien intégrée dans mon   »métier » . Mais il reste beaucoup d’obstacles. Je rencontre dans la vie quotidienne des situations gênantes: les messages sonores dans le métro me sont inaccessibles, alors, il faut demander à un passant… A l’exception de certaines gares SNCF ou RER, où il y a des écrans informatifs.

Et dans votre vie personnelle, vos loisirs ?

La surdité vous apprend à être débrouillard. Il faut s’adapter à n’importe quelle situation : quitter sa famille, habiter seule, se déplacer à l’étranger … Il m’arrive des mésaventures amusantes: par exemple, chez moi, le robinet a coulé toute la nuit sans que je m’en aperçoive… Je ne peux pas téléphoner, alors je dois demander à un collègue de prendre des RDV au téléphone pour moi. Au cinéma, les films français ne sont pas sous-titrés, ce qui m’oblige à ne voir que des films étrangers en V.O.… En tant que présidente d’une association, l’AFIDEO, j’essaye de faire évoluer les choses, de prévoir des structures adaptées, de promouvoir le sous-titrage des films français au cinéma et des émissions à la télévision.