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Genèse de l’association ALPC

INJS - Paris

Une page d’histoire

René Dissoubray, qui coulait une retraite heureuse et bien méritée à Antibes, fut l’une des « bonnes fées » qui permit l’introduction du code LPC en France. Il voulut bien partager avec nous une partie de ses souvenirs, notamment sur la création de l’association.


A Washington, le Cued Speech fut mis au point entre 1965 et 1968 par le Dr Orin Cornett – ancien professeur à Harvard – lorsqu’il fut nommé vice-président du Gallaudet Collège, la première université créée aux USA pour les sourds.
C’est en se rendant compte du faible niveau de langage des étudiants et de leur désintérêt pour la lecture que le Dr Cornett comprit l’origine de ces carences : l’insuffisance d’exposition à un bain de langage perceptible pour les sourds. En effet, l’enseignement était donné en anglais signé, totalement significatif par les signes. D’où le peu d’intérêt à essayer de lire sur les lèvres, exercice d’autant plus difficile que les signes n’ont aucun rapport avec la prononciation, sans oublier l’existence des nombreux sosies labiaux qui compliquent la tâche.

Le Cued Speech mis au point, il fut pratiqué en Grande Bretagne quelques années plus tard par Mrs June Dixon, qui se chargea de le diffuser dans son pays. Le Dr Cornett en fit une adaptation française avec l’aide du Pasteur Mermod de Genève, mais nous n’avions aucun écho de tout cela en France.


C’est en 1972 que j’eus connaissance du Cued Speech par un article paru dans « Hearing », la revue du RNID (Royal National Institute for the Deaf : Institut national pour les Sourds britanniques) et dont je publiai la traduction dans la Revue générale de l’Enseignement des Déficients Auditifs. Mrs Dixon, ayant lu cette traduction, m’informa de l’existence d’une adaptation française et me mit en relation avec le Pasteur Mermod.


INJS - Paris

J’invitai alors celui-ci à l’INJS de Paris, rue Saint Jacques, où j’étais professeur, pour présenter le système aux enseignants. Madame Borel-Maisonny, invitée également, était présente. M. Mermod nous remit la bande magnétique des leçons d’apprentissage, que nous dûmes rapidement refaire car la prononciation à Genève est parfois différente. Ainsi, le mot truie y était prononcé et codé « tru-i-ye »!


L’intervention de M. Mermod et les débats furent publiés dans la Revue Générale en 1972. Cependant, cette présentation resta sans suite. En effet, M. Mermod d’une part codait très lentement et il était difficile d’imaginer un codage au rythme de la parole, et d’autre part pratiquait peu, seulement avec des enfants de sa communauté religieuse. Il n’avait aucun résultat à montrer, aucune étude d’intelligibilité, pas de vidéo, pas d’utilisation scolaire ni familiale…

Dans ces conditions peu convaincantes, cette « nouveauté » ne fut pas étudiée davantage par les enseignants français, rodés à leurs techniques traditionnelles. Notons d’ailleurs qu’actuellement, malgré les brillants résultats obtenus par le LPC, certains professionnels persistent dans cette attitude négative.

Quant à Madame Borel-Maisonny, à qui je suggérai après l’exposé du Pasteur Mermod : « Ne pensez-vous pas que ce système, du fait qu’il est syllabique, permettrait de coder plus rapidement qu’avec votre méthode à base de phonèmes ? »,
elle répondit : « Mais qu’est-ce que vous croyez, je code avec les deux mains! »…


C’est seulement cinq années plus tard que tout démarra enfin. June Dixon m’envoya un exemplaire de « Cued Speech News » de février 1977, édité par l’équipe américaine du Cued Speech, où il était indiqué : « Stasie, bébé sourd de 2 ans, a appris près de 400 mots en 6 mois et les utilise dans des petites phrases de 2 ou 3 mots ». J’eus l’occasion de rencontrer Stasie chez ses parents, Rébecca et Peter Jones, venus s’installer près d’Aix-en-Provence ! Rebecca accepta de venir avec Stasie à l’INJS de la rue Saint Jacques. C’était le 14 octobre 1977.

Devant les professeurs réunis à la bibliothèque, Rébecca expliqua comment, cherchant un moyen de communication avec sa fille sourde, elle avait opté pour le Cued Speech qui permettrait à Stasie de comprendre l’anglais (Rebecca est américaine et son mari, anglais) et de suivre l’école en français.

Stasie, avec la vivacité qu’elle a conservée, se précipitait pour exécuter sans ses prothèses
les consignes que lui disait sa maman à voix très faible et dans un bruit ambiant important.

Cette matinée d’information et de démonstration était convaincante. Mais c’était nouveau… et les choses en seraient encore restées là sans Pierre Dussutour. Alors censeur à l’INJS, il assurait l’éducation précoce d’Isabelle Spinetta. Il présenta Stasie et sa maman aux parents d’Isabelle, Nicole et Jean-Cyril, qui, eux, décidèrent aussitôt d’apprendre et de pratiquer ce système.

De là sont partis la diffusion du « Langage Complété Cornett » (LCC) puis la création de l’Association pour sa promotion en 1980 et les premières Journées d’études, avec le Dr Cornett. Nos amis belges y vinrent en force comme toujours et nous dirent : « Nous sommes satisfaits de la méthode verbo-tonale que nous pratiquons depuis longtemps… mais ce n’est pas suffisant et nous allons nous mettre au Cued Speech ».


Avant la création de l’Association, dont Jean-Cyril Spinetta fut le premier président, nous disposions de peu de moyens de promotion. Le Dr Cornett nous avait envoyé des cassettes audio d’apprentissage et de la documentation. Je réussissais, grâce à l’attitude bienveillante de l’AFERLA, à dupliquer les cassettes, à assurer leur expédition, et j’ai même pu faire une cassette vidéo d’apprentissage où Thérèse Dabout était à l’écran.

Mais lorsque nous fûmes constitués en association sous l’impulsion de Jean-Cyril Spinetta, tout devint plus facile.

Et maintenant il faut espérer que la génération montante des sourds LPC, des parents et des spécialistes éclairés réussira à promouvoir ce système si simple et pourtant si efficace.

René Dissoubray