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La LfPC pour l’enfant sourd

Article actualisé, voir le lien suivant : « L’enfant sourd à la découverte de la langue parlée »

Apports et limites de la lecture sur les lèvres pour l’acquisition de la langue française

L’enfant sourd sévère ou profond doit compléter son audition par la lecture sur les lèvres pour percevoir la langue parlée autour de lui. Ce mode de réception de la langue orale présente de grandes difficultés.

Les connaître permet de mieux comprendre comment la LfPC y répond et comment elle permet à l’enfant sourd d’acquérir naturellement une langue riche et correcte par la lecture sur les lèvres … à condition qu’on lui parle une langue adaptée à son âge, c’est à dire de plus en plus riche et variée.

Pourquoi cette attention à la langue française ? Non par idéologie mais pour des raisons de nécessité. Nous savons que la maîtrise de la langue française est nécessaire pour atteindre deux objectifs fondamentaux de toute éducation : l’autonomie et l’intégration dans la société.

Comment un enfant sourd peut-il comprendre ce qu’on lui dit quand on s’exprime sans LfPC ?

Obstacle à franchir : la perception.

Pour parler, nous produisons des sons que nous modulons de diverses façons, notamment grâce aux mouvements des lèvres. Normalement, la perception de ces sons s’effectue grâce à l’audition. Or l’enfant sourd entend peu ou pas les sons du français oral. Certes il est appareillé. Mais si les prothèses peuvent restaurer l’audition dans les cas de surdités légères et moyennes, il n’en est pas de même dans les cas de surdité sévère ou profonde, qu’il s’agisse d’un appareillage traditionnel ou de l’implant cochléaire.

L’implant cochléaire est une prothèse qui convertit les sons en signaux électriques et stimule artificiellement le nerf auditif. Des électrodes implantées dans une partie de l’oreille interne, la cochlée, reçoivent ces signaux électriques et les transmettent aux centres nerveux de l’audition.

Pour ces enfants, les perceptions auditives de la parole restent :

  • amputées (bon nombre des sons amplifiés par les prothèses classiques ne peuvent être perçus par les sourds sévères ou profonds)
  • déformées (les sons perçus sont souvent amputés d’une partie de leurs caractéristiques et deviennent de ce fait, difficilement différenciables les uns des autres.

L’enfant sourd profond appareillé perçoit – la plupart du temps – un continuum sonore flou et souvent confus.

L’implant, par contre, apporte des informations supplémentaires, un stimulus sonore pour chaque son. Toutefois il ne restitue pas les sons tels qu’ils existent. Si l’enfant implanté connaît déjà les mots, il peut souvent les reconnaître par la seule audition et donc comprendre l’oral par la seule voie auditive.

Mais l’implant ne permet pas toujours d’identifier clairement ni intégralement les mots et expressions nouvelles, surtout lorsque l’interlocuteur parle vite. L’enfant perçoit des stimuli sonores qu’il ne comprend pas.

  • La compréhension dépend de la perception : pas de perception, pas de compréhension. Les sons oralement exprimés véhiculent du sens. Ce sens ne peut être compris que si les mots sont clairement perçus.

Pas de perception, pas de compréhension.
Mauvaise perception, mauvaise compréhension.

Les sons oralement exprimés véhiculent du sens. Ce sens ne peut être compris que si les mots sont clairement perçus.

Nous avons tous fait cette expérience dans un hall de gare, de mal comprendre -ou de ne pas comprendre du tout- ce qui était dit, uniquement parce que quelques mots étaient mal perçus.

Pourtant, de nombreux adultes entendants pensent pouvoir communiquer et se faire comprendre des enfants sourds profonds ou sévères en leur parlant, convaincus que ces enfants complèteront leur perception auditive par une perception visuelle de la parole : la lecture labiale.

Que perçoit-on grâce à la lecture labiale ?

La lecture labiale ne donne
pas toujours une image complète des mots.

En effet, de nombreux phonèmes se produisent sans mouvement des lèvres. « R – k – g – s – z – t – d – n …” sont produits par un mouvement de langue derrière les dents ou dans le fond de la bouche.

Ces phonèmes ne sont pas lisibles sur les lèvres (sauf – dans de rares cas – lorsque le locuteur articule exagérément). Lorsqu’ils sont présents dans un mot il n’est pas possible à l’enfant sourd d’en percevoir l’existence. Ainsi, “joue” se voit “o” ou “ou”, « dodo » se lit “o” ou “ou”, regarde devient “e-ade”, le mot “pourquoi” avec ses “r” et “k” non visibles devient “poua”, etc.

Des expressions telles que “qui est-ce? » ou « qu’est-ce que c’est?” sont très mal identifiées, puisque le “k” et le “s” sont quasiment invisibles sur les lèvres. L’enfant perçoit quelque chose qui ressemble à “ié” ou “éeué”.

Certains mots n’ont pas d’image labiale du tout (ou une image trop floue pour être identifiable).

C’est le cas lorsque ces mots ne comportent que des phonèmes non visibles sur les lèvres. Lorsqu’on prononce “qui”, l’enfant sourd voit une sorte de sourire. “Si, ici, riz, ni”, et tant d’autres … ne sont visibles que lorsque le locuteur articule et ralentit exagérément. Si la personne qui parle commence une phase par ces mots, l’enfant sourd risque même de ne pas savoir qu’on a commencé à parler. Les adjectifs possessifs “ta voiture”, “sa voiture“, – qui changent totalement le sens de l’énoncé – sont très difficiles à distinguer.

  • La LfPC rend perceptibles tous ces éléments que la lecture sur les lèvres ne permet pas de percevoir. L’enfant sourd peut alors voir ce qu’il ne peut entendre. L’intégralité de la langue orale lui est rendue accessible et, de plus, avec une grande économie de moyens.

Lorsqu’elles existent, les images labiales ne sont pas stables.

Une voyelle peut masquer la lisibilité de la consonne qui l’accompagne (et inversement). Certaines consonnes, telles que “l, t, d, n, …” perdent leur faible lisibilité lorsqu’elles sont en association avec le son “ou”, dans des mots tels que “loup – tout – doux – nous“ etc.

La reconnaissance visuelle des phonèmes est très aléatoire. Les informations apportées par la seule lecture labiale ne sont pas fiables. L’entendant non averti ne peut imaginer cette difficulté. Pour lui, les informations sonores sont stables. Aucun son n’est masqué par les sons voisins.

  • La LfPC offre toute la fiabilité de perception toujours avec la même économie de moyens.

D’innombrables mots ont la même image labiale.

Ce sont les sosies labiaux. Les phonèmes “p – b – m”, “f – v”, “eu – on – ou – u – o” – etc. sont qualifiés de “sosies labiaux” car les mouvements des lèvres qui les produisent sont identiques. Les mots “pain – bain – main” (et des centaines d’autres) présentent la même image labiale.

La personne sourde ne peut savoir de quel mot il s’agit et tous les mots de la langue française qui contiennent des “sosies labiaux” ouvrent à des confusions. Les entendants ne s’imaginent pas que des mots aussi différents puissent être confondus : “gâteau – cadeau”, “Tu – ton – tout – tôt – deux – dont – du – doux – nœud – non – nous – nos – nu”, “chapeau – chameau – jambon”, “mange – marche”, etc.

Les centaines de sosies labiaux du français constituent certainement le plus grand écueil de la lecture sur les lèvres. Outre les mots, des expressions entières peuvent être des “sosies labiaux”. “Mets ton manteau” et “prends ton ballon” ou les désormais célèbres “bois ta menthe à l’eau” et “mets ton pantalon”.

Les données évoquées dans ces trois paragraphes se conjuguent souvent à l’intérieur d’un même mot. Par exemple, dans “camion” et “tableau” : “c” et “t” sont quasiment invisibles, “mion”et “bleau” sont presque sosies, “l” perd sa lisibilité car il se trouve associé à “eau” qui le masque. Un entendant imagine mal que des mots aussi différents “à l’oreille” puissent être confondus par l’enfant sourd. Pourtant ces deux mots ont quasiment la même image labiale et la langue française comporte un nombre considérable de sosies.

  • La LfPC lève toute ambiguïté. L’enfant sourd peut percevoir l’intégralité de l’oral, sans erreur ni manque. La langue lui devient totalement accessible.

Dans quelles conditions s’effectue la lecture labiale ?

Conditions matérielles

Outre les limites phonétiques, des contraintes matérielles compliquent encore la situation. Le locuteur doit toujours penser à placer son visage dans une bonne lumière (pas question de parler à contre-jour ou dans le noir), de face (pas question de tourner la tête).

Il doit penser à ralentir son débit, à bien articuler (sans trop exagérer), ce qui ne s’accorde pas toujours aisément avec les contraintes de la vie quotidienne.

L’enfant sourd doit pouvoir se concentrer sur les lèvres de son interlocuteur, essayer de mémoriser la succession des mouvements fins des lèvres, s’immobiliser, ce qui est souvent difficile pour le tout petit enfant qui bouge, qui joue, qui regarde ailleurs, et dont l’attention est fugace. La lecture sur les lèvres est un exercice fatigant pour les deux partenaires de la communication.

La LfPC est un complément à la lecture sur les lèvres. Il ne dispense pas de respecter ces contraintes matérielles.

En outre, difficulté supplémentaire (et non des moindres), personne n’a les mêmes lèvres ni la même motricité. Les mouvements articulatoires varient souvent d’une personne à une autre. Un enfant sourd habitué à l’articulation d’une personne risque de ne plus pouvoir lire sur les lèvres de quelqu’un d’autre.

Les compléments manuels de la LfPC résolvent ce problème. Avec la LfPC, la lecture labiale est fiable.

Sources : articles de France BRANCHI, professeur des INJS